Exposition « On Air » de Tomas Saraceno au Palais de Tokyo
Dans
l’ombre flottent des toiles de lin blanc, robes archanges de la trinité antique
des Parques, comme suspendues miraculeusement dans les airs. Le travail minutieux de plusieurs Arachnées
modernes offre aux spectateurs le monde invisible des recoins oubliés, où les
ombres flexueuses renferment des trésors fait d’entrelacement de fils.
Les
deux premières salles de l’exposition nous donnent à voir un espace sacré, tant
sonore que visuel, où l’artiste fait lumière sur le monde macroscopique que
diverses tisseuses ont été invitées à tendre à l’intérieur de cages de métal. L’imbrication de plusieurs textures et de techniques
engendre des espaces de délicate blancheur se découpant dans la pénombre. Chaque
souffle, chaque aller et venue des spectateurs se répercute sur les fils à
l’apparence infiniment fragile, et produit des vibrations envoutantes, semblant
surgir d’une autre dimension.
L’exposition invite les visiteurs à prendre part à l’élaboration d’un
instant privilégié, où chacun vit une expérience singulière, témoin du tremblement d’une toile comme de la
conséquence directe de sa présence. Le dédale de ces plateaux nuageux invite le
public à circuler, à s’approcher au plus près d’un univers rendu visible
exceptionnellement. L’exposition explore un temps où l’espace est inversé et le
temps suspendu.
La deuxième
salle abrite l’œuvre la plus fascinante qu’il nous ait été donnée à voir depuis
plusieurs années. Au cœur de l’obscurité, un pendule langoureux semble reposer
en lévitation dans l’air et agit comme une présence envoûtante dont on ne peut
détourner les yeux. Cinq fils tendus entre deux barres métalliques, voilà tout
ce qui est nécessaire pour figer notre esprit. Les fils dansent, obéissant à une
respiration lente et irrégulière. Leurs mouvements sont enregistrés par une
caméra, produisant ainsi des ondes sonores qui varient au rythme de leurs
tressaillements. Ces cinq lignes lumineuses semblent articuler l’espace dont
elles sont les maîtresses, questionnent les limites d’un lieu dont on ne
perçoit pas les contours ni les distances.
A
mesure que l’on progresse dans l’exposition, la température chute, la pénombre
fait place à l’éclat aveuglant du soleil et des astres caressant les murs,
comme si l’on s’élevait dans l’air, et que la chaleur de la Terre s’éloignait.
Tomas Saraceno propose une vision d’un monde futur où l’air serait investi par
des structures flottantes à l’architecture inspirée de la nature et de ses
ouvrières velues. La distance entre la Terre et l’espace est donc mise à
l’honneur par l’artiste et son équipe scientifique. L’exposition montre aussi les
expériences du projet Aerocene. On voit une équipe déployer des ballons au
milieu du désert de white sands par la seule action de l’air, comme une réponse
pacifiste et respectueuse de la nature aux essais de la bombe nucléaire
perpétrés dans le même désert des années auparavant.
L’exposition
explore plusieurs formes artistiques, plusieurs matériaux et joue sur nos différents
sens, invitant les spectateurs à participer à l’élaboration d’un moment unique,
rendant visible l’invisible.
Bergère
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